Les choses sont tellement bien agencées qu'il lui a fallu seulement cinq jours pour sortir de son laboratoire et faire annoncer par la voix du président de la Commission électorale indépendante, Amadou Salif Kébé, les résultats de son référendum. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que ceux-ci rappellent les scores soviétiques, surtout sous le règne de Joseph Staline que l'on surnommait le petit père des peuples. En effet, le texte proposé, peut-on dire, par le Staline du Golfe de Guinée, Alpha Condé, a obtenu 91,59% de votes favorables, soit 2 856 675 suffrages ; contre 8,41% soit 262 185 de voix pour le « non ».
On peut se poser la question de savoir si la démocratie à la Condé a besoin d'une Assemblée nationale pour fonctionner
Alpha Condé a désormais son « Oui » massif qui lui donne du coup l'autorisation de briguer un troisième mandat, puisqu'avec l'adoption du nouveau texte constitutionnel, les compteurs sont remis à zéro. Et c'est cela le rêve de Condé. C'est pourquoi d'ailleurs des deux scrutins, seul le scrutin référendaire l'intéressait au plus haut point. Les résultats des législatives peuvent encore attendre. L'on peut même se poser la question de savoir si la démocratie à la Condé a besoin d'une Assemblée nationale pour fonctionner. L'autre résultat sorti de l'officine de Condé est le taux de participation. La CENI l'évalue à 61,18%. Les 91,59% de votes favorables et les 61,18% de taux de participation ont envoyé la CENI et le pouvoir au septième ciel. La structure d'organisation des élections s'est, en effet, félicitée des résultats et a estimé que les menaces du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) n'ont pas empêché les Guinéens de s'exprimer. Amadou Damaro Camara du Rassemblement du peuple de Guinée, RPG arc-en-ciel au pouvoir, est dans le même état d'esprit puisqu'il a martelé à qui veut l'entendre que le scrutin a connu un « engouement ». Ce monsieur, tout comme la CENI, jouent parfaitement leur rôle puisque, visiblement, ils semblent avoir été missionnés pour accompagner Alpha Condé dans sa volonté de briguer un troisième mandat. Et ils le font, tels des mercenaires, sans état d'âme. Ce que l'histoire dira du mal qu'ils sont en train de faire à la Guinée, est le dernier de leurs soucis. Sacré Alpha Condé! Voici un homme qui vient d'appliquer à la lettre l'adage selon lequel « la fin justifie les moyens ». En effet, dans le cas d'espèce, la fin, pour lui, est le pouvoir, rien que le pouvoir. Pour le conserver, l'homme a mis en place un fichier électoral où les morts côtoient les vivants, a fermé les oreilles pour ne pas entendre les coups de semonce venant de la Guinée et d'ailleurs, a marché sur les macchabées de ses compatriotes. Tous les moyens ont donc été bons pour Alpha Condé, pour conserver le pouvoir.
Alpha Condé vient de cueillir le fruit de la honte
Et quand on pense que la plupart de ses victimes ont l'âge de ses petits-fils, l'on peut commettre le sacrilège de lui dire ceci : l'histoire a révélé que, dans leur grande majorité, les dictateurs ont toujours été rattrapés par leur passé. Cette loi a donc des chances de s'appliquer à Alpha Condé, tôt ou tard. Aujourd'hui, il peut boire son petit lait puisqu'il vient de cueillir le fruit de la honte et peut, dès lors, le déguster comme il veut, pendant que la Guinée saigne. Pour autant, Alpha Condé ne manquera pas d'appétit. La preuve qu'il a une pierre à la place du cœur, est qu'il a exploité à fond le Covid-19 pour opérer son passage en force. Dans un premier temps, il a présenté la Guinée comme un pays qui n'était pas sous la menace du coronavirus. L'objectif était de balayer du revers de la main les arguments appelant à un report du double scrutin du fait du Covid-19. Dès lors qu'il a réussi à faire adopter son texte, il s'abrite derrière le Covid-19 pour fermer les frontières de son pays et interdire les manifs publiques sur toute l'étendue du territoire de la Guinée à cause du même coronavirus. De ce point de vue, l'on peut dire qu'Alpha Condé est machiavéliquement génial. Et après avoir soigneusement rangé le butin de la perfidie et du hold-up dans sa gibecière, il appelle maintenant l'opposition au dialogue. En réalité, ce qui rend davantage l'équation Alpha Condé complexe, est que ce dernier prend les Guinéens qui voient autrement les choses que lui, comme des nez-percés. Par voie de fait, il se considère comme le seul Guinéen doté du cogito ergo sum. Mais, il est temps pour lui de se ressaisir. Car, l'opposition a eu le temps de prendre la vraie mesure de l'homme. La Communauté internationale également connaît l'homme. Et l'on peut s'attendre à ce qu'en aval, elle ait la même position que celle qu'elle avait adoptée en amont à propos de la situation politique guinéenne. Pour le moment, Alpha Condé n'a été félicité que par la Russie de Vladimir Poutine. Et cela est une illustration de l'adage selon lequel « qui se ressemble s'assemble ».
« Le Pays »