Déguerpissement de Kaporo Rails : déclaration de Sadio Barry, président du BAG

 

Le 19 février 2019, le Ministre Ibrahima Kourouma, accompagné des forces de défenses, s’est rendu à Kaporo Rails pour vérifier l’état d’avancement des destructions en cours dans ce problématique quartier.

Le Ministre Kourouma avait l’air visiblement réjoui et n’exprima aucune compassion face à la désolation et à la douleur de milliers de concitoyens désemparés. Lors de cette visite, le Ministre Ibrahima Kourouma déclare :

« Le Président a ordonné. Il n’y aura aucun état d’âme pour ceux qui occupent les domaines de l’Etat ».

Interpellé par des Guinéens en détresse et des organisations humanitaires sur le sort des milliers d’enfants et de vieilles personnes, le chef de l’Etat guinéen, Alpha Condé, déclare :

« Il n’y aura pas d’état d’âme pour tous ceux qui occuperont les domaines de l’Etat ».

Monsieur le Président, toutes les victimes des déguerpissements de Kaporo Rails n’ont pas occupé des domaines de l’Etat. Beaucoup vivaient légalement chez elles avec leurs familles quand l’Etat a décidé de récupérer ces terres et en faire une zone réservée. Pour rappel, c’est à l’arrivée du Dr. Bana Sidibé au Ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat, fin décembre 1985 que l’Etat a décidé de récupérer Kaporo Rails pour en faire une zone réservée de l’Etat. C’est le Ministre Bana Sidibé qui diligentera le plan d’aménagement de Conakry hors Kaloum afin de décentraliser l’administration par le transfert de certains Ministères en haute banlieue afin de désengorger la capitale guinéenne; et aussi mettre fin à des constructions de façon anarchique à Conakry. Mais, comme toujours en Guinée, des fonctionnaires véreux du même Ministère de l’Habitat se livreront plus tard à des malversations sur les domaines réservés de l’Etat en y vendant des parcelles à d’autres citoyens qui viendront s’y ajouter avec leurs familles.

Dans un Etat de droit, il aurait fallu d’abord chercher à savoir, comment les gens ont obtenu les titres de propriété sur ces domaines réservés et sévir contre tous ceux qui se sont rendus coupables de ces actes au sein du Ministère de l’Habitat avant d’entreprendre toute opération de démolition. Pour n’avoir pas fait cela, mais aussi d’avoir laissé, pendant des décennies, les gens construire sans réagir, l’Etat s’est livré à une opération de racaille contre ses propres citoyens en détruisant leurs maisons, réduisant ainsi à néant le fruit de toute une vie de labeur.

Aujourd’hui, la destruction continue et elle vient d’être élargie à Soloprimo. Avant ce quartier, le Collectif des victimes du déguerpissement de Kaporo Rails a recensé 510 familles qui ont leurs maisons démolies, avec plus de 9000 personnes qui dorment sous les manguiers et à la belle étoile. Parmi eux, près d’un millier d’élèves dont plusieurs dizaines de candidats aux examens nationaux qui ne vont plus à l’école. Sont également concernés par ces démolitions, 13 écoles privées, 12 Mosquées et une Eglise.

Ne pouvait-on pas planifier ces actions avec un minimum d’humanisme ?  Quel va être l’avenir de ces enfants jetés à la rue et qui ont déjà perdu 3 mois cette année scolaire à cause de la grève des enseignants ?

Ce qui se passe en Guinée est une injustice, des mesures de destructions sélectives qui visent le fief de l’opposition. Pas étonnant que des Ministres et des responsables du parti au pouvoir déclarent publiquement que ces destructions sont insuffisantes et qu’il faudrait arrêter, juger et condamner les victimes à des peines lourdes pour s’être installés dans des zones réservées de l’Etat. Quelle haine pour des gens qui sont après tout des compatriotes ! Comment en est-on arrivé à un tel degré de haine entre Guinéens ? C’est quoi l’Etat et c’est quoi finalement l’intérêt public quand des milliers de Guinéens doivent être dépossédés, délogés et transformés en refugiés dans leurs propres pays, parce que nos dirigeants veulent vendre les terres à des étrangers ?

Les habitants de Kaporo Rails ont au moins le mérite d’avoir construit par leurs propres moyens. Des cités entières appartenant à l’Etat depuis le temps colonial continuent d’être occupées par les privilégiés du régime PDG sans jamais être inquiétés. Il s’agit par exemple de la SIG-Madina, de Coleyah, de Camayenne et de la Minière. Pour ceux-là, vous avez l’état d’âme Monsieur le Président. Puisque tous vos actes sont le fruit d’un calcul politique, est-ce parce que la grande majorité qui habite dans ces zones porte des patronymes autres que peuls ? On est en droit de se poser cette question, car chaque acte que vous posez nous rend l’équation guinéenne plus difficile à résoudre demain. Vous avez également décidé de vendre la moitié de la ville de Boké à des entreprises étrangères. Toute une région de Boffa est désormais dans les mains chinoises. Les autochtones n’y ont même plus le droit de passage. Monsieur le Président Alpha Condé, nous espérons que votre génie destructeur ne finira pas par rendre tous les Guinéens sans état d’âme et qu’ils garderont en eux un brin d’humanité.

Voyez-vous chers compatriotes, Monsieur Alpha Condé n’est ni à son premier ni à son deuxième coup de force contre les Peuls. En 2009, c’est Alpha Condé, alors conseiller bénévole de Dadis, qui avait incité le CNDD à détruire les commerces et habitations des Peuls contre lesquels il appela les trois régions à se coaliser. Il voulait provoquer un exode massif des Peuls avant les élections, après s’être opposé au vote des Guinéens de l’extérieur. Le CNDD marquera des domiciles à démolir jusqu’au Fouta. A part la Basse Côte dans les zones à dominance peule, le Fouta fut la seule région concernée par ces projets de destruction. Dadis finira par stopper le processus quand il comprit qu’Alpha Condé n’était pas de bonne foi, lors que ce dernier lui demanda d’arrêter des leaders peuls, s’il voudrait qu’il reste son conseiller. Par ailleurs, le candidat Alpha Condé à des élections nationales ne mettra point ses pieds dans aucune région du Fouta. Tant est grande la rancune qu’il nourrit à l’égard des Peuls qui avaient activement soutenu le régime de Conté contre la rébellion de 2000/2002.

Allez-y donc Monsieur le Président dans votre récupération des domaines de l’Etat ! Mais il faut d’abord nous expliquer, comment les promoteurs privés ont obtenu le domaine des PTT à Kipé pour construire la cité Plaza Diamant face au lycée français jusqu’au bord de la mer pour l’hôtel Sheraton et l’occupation d’autres domaines en bordure de mer où des opérateurs privés construisent des immeubles à étages. Qui en sont les propriétaires ? Enfin Monsieur Alpha Condé, nous ne croirons à votre sincérité que lorsque nous vous aurons vu à l’œuvre à la SIG, à Camayenne, à la Minière etc.

Je condamne avec force les destructions que je considère comme une tragédie et une terrible injustice pour ceux qui les subissent. Je leur exprime toute ma compassion et mon soutien moral. A Monsieur Alpha Condé je dis : ressaisissez-vous Monsieur le Président ! Un pays où l’application de la loi devient sélective est un pays qui va à sa perte. L’injustice engendre la colère. Des générations passent, mais la colère est tenace. Elle se nourrit de la haine et se transmet aux enfants.

 

Sadio Barry,
Président du parti Bloc pour l’Alternance en Guinée (BAG)

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