Mohamed Béavogui doit-il démissionner ?

16 Août 2022

Je profite d’un article publié hier sur le site « Médiaguinee », qui se demande si le Premier Ministre (PM) Mohamed Béavogui, doit continuer à conduire ou pas la Primature, sous le Comité National du Rassemblement pour le Développement (CNRD).

 
L’article précise que le PM :
 
  • ne s’attendait pas à découvrir un intérimaire, en l’occurrence Bernard Goumou, l’actuel ministre du commerce, pour le remplacer lors d’une absence temporaire. Mais au-delà de la communication plus ou moins accentuée, il était quand même nécessaire de transférer la délégation de signature pour certains actes.
  • en avait assez d’avaler des couleuvres du CNRD1 .
  • n’était pas dans le cœur de certains membres de son gouvernement, qui ne lui doivent pas leur ascension. Comment avoir de l’autorité sur un collaborateur dont la nomination dépend d’un autre2 ?
Selon ce même article, ses détracteurs lui reprochent la non-maîtrise de certains dossiers (lesquels ?), ses nombreuses sorties de piste (lesquelles ?), mais aussi de jouer parfois contre son propre camp (comment ?), et accessoirement d’être peut-être vénal, la gestion du fonds de souveraineté de 15 milliards de GNF/trimestre pouvant l’aider à réfléchir à cette éventuelle démission !!!

Je ne connais pas personnellement Mohamed Béavogui, je connais en revanche d’autres membres de sa famille. Pourtant en 2007, lorsqu’il s’est agi de choisir un PM parmi les 4 pressentis3 , mon instinct (et accessoirement quelques notes de lecture) m’avaient convaincu qu’il était destiné pour le poste. Il en a été autrement et il n’est pas utile de revenir sur cet épisode, si ce n’est noter que bizarrement cette période – il y a environ 15 ans - ne fait pas l’objet d’un audit du CNRD, qui préfère se concentrer sur une période beaucoup plus ancienne, dans un dossier (Air Guinée) pourtant ressassé à l’extrême !!! Cherchez l’erreur.

Pour en revenir à Mohamed Béavogui, il ne fallait pas être sanguin pour supporter mettre sur un même plan les victimes de Sékou Touré à d’autres. Et suprême insulte, il a fallu avaliser le fait qu’au-dessus du gouvernement, et donc du PM, il n’y avait pas qu’une seule autorité (en l’occurrence le président de la transition), mais une nébuleuse de criminels regroupés dans un collectif appelé CNRD :
  • nébuleuse, car un numéro 2 comme Amara Camara, simple porte-parole du CNRD, puis Secrétaire Général à la Présidence… de la Transition, peut virer un ministre (en l’occurrence celui de la justice), qui en principe ne dépend que du PM, voire d’un PRG, mais en aucun cas d’un obscur secrétaire.
  • nébuleuse car d’autres criminels se cachent derrière le CNRD (pour qu’on oublie qu’ils sont criminels, et éventuellement pour ne pas les empêcher de se présenter aux futures élections, car en l’absence d’identité, personne ne pourra prouver qu’ils étaient membres de la junte).
Le PM a su taire son égo, pendant que certains aiment parader, alors que ce sont en réalité des incapables. Certains de ceux qui restent au gouvernement en disant qu’ils travaillent pour le pays (et non pas pour un PRG) peuvent être « exonérés » de crimes... dès lors que la junte n’en est pas responsable. À partir du moment où ils restent dans un gouvernement qui cautionne les meurtres de ses propres ressortissants, ils deviennent complices4 de crimes de sang (le vol aussi est un crime), mais la différence est que pour un vol on peut récupérer les sommes détournées ou volées, y compris chez leurs héritiers, alors qu’on ne ressuscite pas les morts.

J’ignore la décision de Mohamed Béavogui, s’il en a pris une d’ailleurs, mais je l’encourage à démissionner, pour préserver son avenir personnel. Tout le monde ne connaît pas Serge et Beate Klarsfelsd, j’encourage ceux qui ne connaissent pas ces noms à se renseigner sur leur lutte inlassable contre l'impunité des anciens nazis. Ils y ont consacré leur vie entière. De la même façon, tous nos criminels ne resteront pas impunis, même si cela prend 30 ans ou plus5 . Mais parce que des zélés pourront élargir la notion de complicité à ceux qui appartenaient à un régime dont les responsables étaient des criminels, tout devient possible dans cette hypothèse. Et puisque les 5 morts constituent déjà une pierre dans le jardin de ces criminels, il vaut mieux s’en désolidariser...

En effet, il existe de grosses taches dans l’histoire fallacieuse qu’on nous serine à longueur de journée à propos du CNRD.
  • avant le 5 Septembre 2021, il faut se rappeler des corps de militaires abattus à Kindia le 16 Octobre 2020 par les forces spéciales de Mamadi Doumbouya6 , sans que l’on en connaisse les raisons, si ce n’est la contestation éventuelle directe ou indirecte d’un régime honni ; sans compter la répression féroce des manifestants contre le troisième mandat, dont ils étaient les responsables (combien de morts ? 60 ?).
  • le 5 Septembre, il faut se rappeler des morts (20 ou plus ?) – comme d’habitude enterrés comme des chiens -, dont on ne sait rien. Tout le monde a rêvé, ça n’a pas existé !!!
  • depuis le 5 Septembre, le non-respect des promesses du CNRD (la non transparence de ses membres, la non déclaration de leur patrimoine), la répression grandissante (arrestations très ciblées) et l’atteinte aux personnes civiles (5 morts ou plus) ou militaires (où est Aly Camara ?).
  • sans compter qu’au stade du 28 Septembre en 2009, c’étaient des bérets rouges et verts qui massacraient la population (certains de ceux-là en faisaient-ils partie ?)
 
Gandhi, citoyen guinéen
« Dans tout État libre, chaque citoyen est une sentinelle de la liberté qui doit crier, au moindre bruit, à la moindre apparence du danger qui la menace ». (Robespierre, Discours sur la liberté de la presse, Mai 1791).
1 La liste qui suit n’est pas exhaustive mais est suffisamment illustrative : case Bellevue à Andrée Touré, aéroport de Conakry rebaptisé, limogeage de la Ministre de la justice Fatoumata Yarie Soumah, exfiltration d’Alpha Condé, nomination directe des membres du CNT, assises nationales, création d’une CRIEF, rencontre Dadis/ Konaté, durée de la transition, arrestation de militants du FNDC,...
2 Mamadi Doumbouya qui disait lutter contre la personnalisation du pouvoir, n’a pas demandé à ce qu’on enlève ses portraits qui ont fleuri un peu partout, et nomme quasiment à tous les emplois civils et militaires. À quand la nomination par décret du planton du secrétariat aux Anciens combattants ?
3 Mohamed Béavogui, Saidou Diallo, Kabinet Komara et Lansana Kouyaté.
4 2 articles récents écrivent que des gens comme Khalifa Gassama Diaby, Cheick Sako, Abdoulaye Yéro Baldé, Abdoul Kabèlè Camara, Makalé Traoré et Kerfalla Yansané puissent être premier ministre en remplacement de Mohamed Béavogui. De deux choses l’une, ou l’on considère qu’ils ont le profil, la compétence et la personnalité, et c’est grave d’oublier leur complicité de crimes sous le régime d’Alpha Condé, ou c’est de l’humour au second degré, considérant que puisqu’ils ont déjà été complices de crimes, ils ont donc le profil pour l’être une nouvelle fois !!!
5 La justice guinéenne inféodée (en l’occurrence les membres de la Cour Suprême), qui a osé transformer des crimes imprescriptibles en crimes ordinaires de seconde zone ne perd rien pour attendre...
6 https://www.youtube.com/watch?v=7YHE1-v49Zw

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