Le 21 avril dernier, la toute nouvelle Assemblée nationale guinéenne issue du scrutin controversé du 22 mars dernier, s’est réunie en session inaugurale sur convocation du président Alpha Condé qui avait pris, à cet effet, le décret. La convocation de cette plénière à l’hémicycle, comme il fallait s’y attendre, n’a pas été du goût de l’opposition guinéenne réunie au sein du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC) qui, tout en dénonçant l’interdiction de rassemblements de plus de 20 personnes, prise dans le cadre de la lutte contre la pandémie du coronavirus, a appelé les Guinéens à observer une journée ville morte pour protester contre l’installation d’une Assemblée illégitime. Il n’en fallait pas plus pour provoquer l’ire du régime de Condé qui, prenant prétexte du risque de propagation du virus, a envoyé l’un des auteurs de l’appel méditer sur son sort dans les geôles du pouvoir.
S’il restait encore une once de dignité à Alpha Condé, il n’évoquerait même plus le Covid-19
Le moins que l’on attendait de l’opposition guinéenne, était cet appel à manifester car, à défaut de pouvoir arrêter le voleur pour lui confisquer son butin, elle se devait au moins de faire du bruit pour le couvrir d’opprobre et espérer ainsi lui causer un cas de conscience. L’on peut même regretter que plus qu’une simple journée ville morte, les Guinéens n’aient pas décidé de mesures plus fortes pour barrer la route à cette énième forfaiture du pouvoir guinéen qui, contre vents et marées, a organisé dans des conditions pour le moins chaotiques, des élections qui ont accouché d’une Assemblée qui s’installe dans le sang de ceux qu’elle est censée représenter. Quand on connaît, en effet, les arrestations d’opposants, les violences et les morts qui ont accompagné cette élection dont tout laisse croire, par ailleurs, que les résultats ont été fabriqués dans des officines sécrètes pour répondre à la volonté du prince régnant, l’on se serait surpris à rêver du scénario burkinabè des 30 et 31 octobre 2014 où bien des députés n’avaient dû leur salut qu’à leur capacité à escalader les murs de l’hémicycle. Mais autant l’on peut tresser des lauriers à l’opposition guinéenne qui refuse d’admettre le fait accompli, autant l’on peut blâmer Alpha Condé dont les contradictions et les inconséquences font douter de sa stature d’intellectuel. En effet, quelle logique peut-on lire dans l’attitude de cet homme qui a organisé en pleine épidémie, un double scrutin et qui revient, après coup, user du risque d’expansion de cette épidémie pour interdire des manifestations publiques ? S’il restait encore une once de dignité à Alpha Condé, il n’évoquerait même plus le Covid-19 ; lui dont l’entêtement à tenir l’élection du 22 mars a coûté la vie, comme on le soupçonne, au président de la CENI et au Secrétaire général du gouvernement. En réalité, ce qu’il faut comprendre de ces errements, c’est la tombée progressive du rideau de fer sur Conakry. Lentement mais sûrement, la dictature s’est installée dans les contreforts des flancs du Fouta Djallon et les échos de cette montagne mythique de l’Ouest africain en direction de l’Afrique et du reste du monde, ne seront désormais que les amères complaintes des Guinéens.
Il n’y a plus de place pour l’optimisme en Guinée
C’est ce que donnent déjà à voir ces interdictions de manifester et autres emprisonnements d’opposants et tueries de masse qui accompagnent la montée en puissance de la folie du Néron guinéen dont il ne reste plus que l’annonce du 3ème mandat pour parfaire le décor de la dictature.
Que peut encore le peuple guinéen, pourrait-on se demander ? Il faut le dire, il n’y a plus de place pour l’optimisme en Guinée. L’on est d’autant plus fondé à le croire que l’armée et la Justice qui sont garantes des institutions républicaines et de leur fonctionnement démocratique, ont pris fait et cause pour le satrape. Et que dire quand on sait que la communauté internationale prise à la gorge par l’étreinte meurtrière de la pandémie du coronavirus, n’a plus d’yeux ni d’oreilles pour les orgies sanglantes de ce pouvoir nécrophile de la Guinée ? C’est pourtant maintenant, alors que tout semble perdu, que les Guinéens doivent puiser au plus profond d’eux-mêmes, l’énergie pour faire couler ce bateau ivre piloté par un vieillard sénile dont le dernier combat est celui de mourir au pouvoir. Ce serait non seulement l’hommage mérité à tous les combattants de la liberté qui sont tombés sur le champ de bataille, mais ce serait aussi redonner de l’espoir à un peuple dont le destin a été pris en otage par des dirigeants sanguinaires qui ont vendangé son courage héroïque exprimé par le « non » historique à la communauté française de De Gaulle lors du référendum d’autodétermination de septembre 1958. Quant à Alpha Condé, à défaut de prendre conscience que son rêve de s’éterniser au pouvoir, est celui-là même qui l’empêchera d’atteindre l’immortalité dans l’esprit des Guinéens et d’accéder au panthéon guinéen, il doit savoir qu’à son âge, aussi puissant qu’il puisse paraître, le compte à rebours est enclenché. Si ce qu’il laisse à la postérité ne l’intéresse guère, il devrait se soucier des comptes qu’il devra rendre aux trois tribunaux auxquels aucun être humain ne peut échapper : celui de la conscience, celui de l’histoire et celui de Dieu.
« Le Pays »
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