Doumbouya, ou le Videla guinéen.

Opinions

Le chemin  qu’empruntent Doumbouya et ces camarades commence à ressembler, sous bien des aspects, à celui de la junte militaire  en Argentine  dirigée alors par le  Général Jeorge Rafael Videla, de 1976 -1983.

 
Une junte militaire de triste mémoire qui mit fin au règne  d’Isabelle Peron le 24 mai 1976. Elle avait elle-même succédé  à son mari, le légendaire  Général Peròn. La junte se mit à pourchasser, bâillonner, emprisonner, tuer, pousser à l’exil, tous ceux qui osaient contester le pouvoir du General Videla et son équipe. Ils qualifièrent eux-mêmes cette opération de ratonnade de “guerre sale”, tellement la méthode était répréhensible. Toutes formes de militantisme étaient étouffées, puis écrasées. Il faut faire peur au peuple et aux leaders d’opinion. C’était la période d’or  des dictatures, partout dans le monde.
 
Cette sanglante répression finit par donner  naissance en Argentine à l’association “les mères de la Place de Mai” . Les mamans qui demandaient la libération de leurs enfants. Puis à une organisation civile dénommée “les grand-mères de la Place de Mai” qui, elles, demandaient que l’on leurs indique là où leurs petits-enfants sont enterrés. Des décennies après, l’Argentine cherche  à panser les stigmates de cette période de violence.
 
Les images de la furie des  forces militaires et de sécurité, épaulées par une bande de contre-manifestants , recrutés et payés,  qui s’est abattue ces derniers jours sur les jeunes à Conakry rappelle à ceux de ma génération la répression meurtrière des  années de plomb au Chili, sous Pinochet, et  en Argentine sous Videla. C’était “la guerre sale “.
La similitude entre la répression de  Videla en Argentine, et celle de Doumbouya en Guinée est évidente.  Jugez-en:
 
1-Le premier a surgit pour mettre fin à un pouvoir personnifié par le couple Peròn. Le second, -Doumbouya- pour brutalement interrompre celui d’un homme devenu déraisonnable.
2- Le premier se donne pour objectif “le processus de réorganisation nationale”. Le second choisit “la refondation nationale”.
 
3- Videla pourchasse, tue, emprisonne, pousse à l’exile, tous ceux qu’il considère comme hostiles à son programme.  Doubouya, à son tour, fait pire si, en plus des ratonnades dans une communauté ciblée, l’on considère la détresse des familles jetées à la rue dans l’opération de récupération des biens publics. Videla lui, ne faisait pas de ségrégation.
   
Dans leur volonté de taire toute voix dissonante  le Ministre  Mory CONDÉ vient de prendre un arrêté pour dissoudre le FNDC. Les juristes jugeront de la validité de cet arrêté. Pour ma part, sur le plan strictement politique, c’est une grosse erreur qui procède de plusieurs facteurs. D’abord de l’ignorance, ensuite  de l’arrogance dans la gestion des affaires de l’Etat. Comme Videla en Argentine, il faut intimider pour faire peur à toute autre organisation de la société civile qui emprunterait la voie du FNDC, ce redoutable contre-pouvoir dans le pays. Ils ont cru qu’en neutralisant le FNDC, ils feraient taire définitivement la contestation dans le pays; et ainsi déployer tranquillement leur funeste agenda. Les multiples réactions négatives à cet arrêté doit bien leur faire comprendre que la société civile guinéenne est en éveil permanent.
 
Les organisations comme le FNDC ou celle des forces vives dans un pays émanent toujours d’hommes et de femmes ayant très longuement réfléchi, analysé la situation sociale, politique et économique du pays. C’est le processus de tout militantisme, la convergence des idées et d’actions. Le FNDC est une somme d’idées, un état d’esprit. Et l’idée a ceci de particulier. On peut certes tuer son contenant, mais pas le contenu. Une idée ne meurt jamais. Elle est comme la lampe d’Aladdin, un génie finit toujours par en sortir.  Le pays où l’on tue le militantisme est un pays condamné à la sclérose des idées. Les jeunes sont par nature contestataires, partout dans le monde. Surtout quand l’injustice leur paraît quotidienne. Et c’est dans ces contestations que naissent la prise de conscience, de nouvelles idées  qui enrichissent le débat dans la cité, de nouvelles formes de lutte contre tous ce qu’ils jugent iniques. Dans certaines démocraties cela va jusqu’à l’insoumission (La France insoumise) en France. Aux États-Unis d’Amérique, l’élection de Barak Obama à la Maison Blanche est, sans aucun doute, l’aboutissement d’une longue maturation des mentalités due essentiellement au militantisme des associations pour la liberté et l’émancipation des années 1960-1980.
 
Les associations de la société civile sont devenues des nouvelles formes de contre-pouvoirs; des lieux où des jeunes sont formés à la citoyenneté, à la tolérance et à la solidarité. Toutes choses qu’aucune école n’enseigne.
 
Malheureusement, ceux qui gouvernent en Guinée, malgré leur jeunesse, exercent  le pouvoir en empruntant des méthodes du passé. Ils donnent l’impression de ressusciter les pratiques du parti unique d’antan.  Système dans lequel le pouvoir du Commandeur est absolu. Aucune voix discordante ne doit être admise. Les changements intervenus ces trente dernières années dans le monde entre gouvernants et gouvernés semblent s’être opérés à l’insu de ces jeunes qui nous gouvernent. On se demande où étaient-ils? Sinon comment peuvent-ils rester hermétiques à l’appel lancé par les partis politiques et les acteurs de la société civile, depuis des mois, pour un cadre de dialogue direct et inclusif? De quoi ont-ils peur? La peur ne taraude que celui qui camoufle quelque chose dont il redoute la mise au grand jour.  L’acte de dissolution du FNDC est la preuve de cette peur. Or gouverner c’est aussi savoir contenir des sentiments comme la peur pour rassurer les gouvernés.
 
La Guinée est le patrimoine commun à toutes les guinéennes et à tous les guinéens. Tout ce qui engage son avenir doit se définir ensemble. Quoi de mal à ça? Vouloir faire taire ceux qui ne demandent que cela n’est que pure illusion. Un excès d’orgueil. Car les idées n’ont pas de frontières. C’est pure ignorance que  tenter même de les endiguer.  Le sigle FNDC pourrait sans doute disparaître, mais son contenu, le combat pour un État de droit en Guinée,  est une idée qui a déjà fait des émules dans tout le pays, jusqu’au sein du CNRD. Comprenez-le. Elle ne mourra donc jamais.
 
Que ceux qui pensent réussir à déployer leur plan obscure en Guinée, en éliminant toutes les formes  de militantisme engagé,  lisent l’excellent livre “Comprendre le pouvoir” du professeur Noam SHOMSKY de MIT. Ils comprendront qu’aucun gouvernement, si puissant soit il, ne pourra plus agir à sa guise, avancé camouflé dans sa salle besogne sans être démasqué. Les associations de la société civile, sont désormais partout dans le monde en éveil permanent.  Doumbouya et ses camarades doivent comprendre cela.
“Celui qui dirige les autres est peut-être le plus puissant, mais celui qui s’est maîtrisé lui-même a encore plus de pouvoir.” (Lao-Tseu)
 
A. Camara
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