Une transition négociée – procédure qui n’existe pas en Guinée, mais qu’il faudra peut-être inventer – est toujours préférable à une violence inévitable. La violence n’est jamais bonne, d’une part parce qu’elle devra s’arrêter un jour pour laisser place aux négociations, d’autre part parce qu’elle laisse des dégâts considérables, cependant qu’accessoirement les puissances extérieures en profitent par ailleurs pour pousser cyniquement leur avantage.
Malheureusement cette transition n’est pas possible actuellement du fait de l’intransigeance d’Alpha Condé (pour faire simple), la seule voie qui s’ouvre sur le plan pratique, est donc de le déloger d’urgence de la présidence de la république. Cette fois, je vais éviter les circonvolutions - et donc les prises de tête – pour faire comprendre à l’opposition, qui se pose la question de savoir si elle doit participer ou non aux élections, qu’elle est complètement à côté de la plaque.
Oui j’ai écrit que l’opposition devait participer aux élections, parce que l’opposition a toujours (souvent) respecté les règles. C’était ironique ! Car a t-elle obtenu des résultats ? Aucun. Même si elle n’a pas utilisé la manière idoine (pas de recours à la justice de la Cedeao, mais des discussions avec la commission – ce sont pourtant 2 institutions complètement différentes), l’opposition a pu constater qu’elle n’a rien obtenu. Seules les manifestations de force ont permis d’obtenir quelques miettes, notamment sur le plan électoral.
Mon ironie pas très évidente, renforcée par l’absence de point d’interrogation sur l’expression « il faut donc participer aux élections présidentielles… », a pu faire croire que j’étais pour une participation de l’opposition aux élections. Il n’en est rien. J’ai toujours dit qu’Alpha Condé était un aventurier, n’ayant jamais travaillé – ses résultats l’illustrent à merveille - et la voie classique choisie jusqu’à maintenant par l’opposition, n’a produit aucun résultat tangible. Pire elle risque de « légitimer » des institutions qu’elle a – à juste titre – vilipendé pour son inconstitutionnalité.
L’opposition ne pourra jamais gagner les élections organisées par ce pouvoir
Je vais être très clair : aujourd’hui compte-tenu de la législation, quand bien même le fichier électoral serait propre, et donc des élections potentiellement crédibles, il existe une institution en Guinée et notamment son président, qui peut tout à fait et légalement, inverser le résultat des élections. Ceux qui en doutent n’ont qu’a se référer aux élections passées et revoir le sort électoral de certaines circonscriptions complètement annulées sans justification probante. Le président de la CENI peut donc parfaitement refuser les résultats de la circonscription de Ratoma par exemple, en annulant seul et pour des raisons absconses, le vote de milliers d’électeurs. Cela veut donc dire que c’est le seul président de la CENI, qui déclare qui sera le président, y compris au mépris des règles fondamentales - puisqu’il peut écarter discrétionnairement tout résultat, même crédible, et sans justification, et toute tentative de contestation de sa décision – sur la forme – irait inévitablement s’échouer devant une Cour constitutionnelle aux ordres. Nous sommes donc dans un système où le pouvoir accepte des élections parce qu’il est sûr de les gagner, « face il gagne, pile l’opposition perd ».
Même si on comprend bien que la participation aux élections passées avait aussi comme finalité de « donner à manger » à certains fidèles, il en va autrement aujourd’hui, puisqu’il ne s’agit pas du sort de quelques individus, ou d’un seul, mais de la Guinée. Dès lors, la seule et unique voie est de rejeter ce pouvoir inconstitutionnel et illégitime. L’opposition a eu 10 ans pour faire ce constat et se rappeler que « la raison du plus fort est toujours la meilleure ». Pourquoi croyez-vous que tout la communauté internationale (occidentale) se tait – hors sur la forme – sur les évènements du Mali, alors que là-bas, les formes constitutionnelles ont semblé avoir été respectées. Parce que la réalité s’accommode de la maîtrise du terrain. Quels que soient les discours, la réalité du terrain l’emportera toujours et les instances internationales trouveront toujours à justifier la réalité des faits.
Un dictateur qui s’impose, c’est parce que le peuple le veut bien (il laisse faire). Un dictateur qui est renversé, c’est parce que le peuple l’a voulu. Tout le monde s’abrite derrière ce qui compte (démocratie, c’est en principe la loi du nombre) pour justifier la réalité du terrain. Dès lors, on brasse beaucoup d’air pour rien, et il est temps aujourd’hui de jouer cartes sur table.
Le seul problème qui vaille n’est pas d’aller ou de ne pas aller aux élections, mais seulement de savoir comment fait-on pour dégager Alpha Condé ?
En caporalisant toutes les institutions, en bourrant le fichier électoral d’électeurs fantômes, Alpha Condé a usé de violence, même si celle-ci ne s’exprime pas physiquement, donc aux yeux de tous. Mais par ce biais, il nous enfume, car le problème n’est pas le fichier électoral - pourquoi l’opposition lutte t-elle d’ailleurs pour un fichier électoral propre, alors que ce n’est pas le problème ? -, mais les instances de validation et de contrôle.
Aujourd’hui le problème n’est donc pas de savoir s’il faut ou pas aller aux élections, puisqu’elles sont tronquées depuis 2010. L’opposition ne s’en est-elle pas rendue compte ? La seule chose qui compte est de reprendre le pouvoir - personne ne le donnera, comme on a pu le voir pour Alhassane Ouattara en 2011 par exemple -, il faut le prendre sans se préoccuper d’un ordre juridico-institutionnel inexistant ?
Comment faire ?
Les évènements du Mali et de Côte d’Ivoire montrent qu’il ne faut rien attendre de l’international. La Cedeao a montré qu’elle réagissait plus vite que son ombre lorsqu’on voulait modifier un ordre constitutionnel dont on sait comment on peut le manipuler (voir ci-dessus). La Cedeao ne réagit pas si un despote veut se maintenir au pouvoir au mépris de ses propres règles, mais réagit promptement si un despote est éjecté du pouvoir. De même la France qui s’est précipité pour enlever Laurent Gbagbo qui briguait un troisième mandat, n’a plus le même entrain pour seulement dénoncer, un troisième mandat projeté par Alhassane Ouattara. Cela montre que les États parties prenantes ou les institutions, ne servent qu’à entretenir les systèmes existants, systèmes qui ont montré leur inefficacité totale pour sortir les pays du sous-développement et du despotisme.
Celui qui s’affirme comme un chef, obtiendra ce qu’il veut aujourd’hui, car la seule fenêtre d’opportunité est béante. Après il sera trop tard. Si les chefs de l’opposition actuels laissent passer leur chance, ce sont les Guinéens qui leur dénieront un droit ultérieur de diriger le pays. Qu’ils se le disent…
Gandhi, citoyen guinéen