Humblement, à travers ces quelques lignes, j’essaie d’y apporter quelques éclaircissements en usant de termes simples, loin du jargon juridique habituellement employé.
Ceci se veut être une vulgarisation du débat que tout un chacun pourra enrichir à sa manière.
Ci-après, voici donc ce qu’il faut en retenir:
1) La Constitution est la loi fondamentale d'un État. C’est la Loi des lois. Elle définit les droits et les libertés des citoyens ainsi que l'organisation et les séparations du pouvoir politique (législatif, exécutif, judiciaire).
La Constitution prévoit entre autre comment le président doit être élu, la durée de son mandat, ses prérogatives et obligations.
C’est sur la base de la Constitution actuelle (celle de 2010) que le président Alpha Condé a été élu. Il y est assujetti ET a l’obligation de la respecter et de la faire respecter. Ce qu’il a juré de faire, deux fois.
2) Étant la loi fondamentale d’un État, pour en assurer la stabilité juridique, en principe les Constitutions ne sont pas sujettes à CHANGEMENT mais plutôt à MODIFICATION.
3) Il existe une différence entre CHANGEMENT de Constitution et MODIFICATION de Constitution.
4) Le CHANGEMENT de constitution signifie qu’on se défait de la constitution existante au profit d’une toute nouvelle. L’ancienne est “jetée à la poubelle” et entièrement remplacée par une nouvelle, laquelle aura force de Loi.
Le CHANGEMENT de constitution survient lorsqu’il y a nécessité d’établir une nouvelle république et, a donc comme effet, de remettre les compteurs à zéro, comme si rien n’avait existé auparavant, puisqu’on sera dans un tout nouveau régime.
Par conséquent, dans ce scénario, il sera loisible à Alpha Condé d’y briguer un tout premier mandat (sous cette nouvelle constitution) ce qui en fait, sera son 3ième mandat successif à la présidence guinéenne (2 sous l’actuelle constitution et une sous la nouvelle).
5) La MODIFICATION de la Constitution se traduit par “l’apport de correctifs” à la Constitution existante, soit par l’ajout, l’abrogation ou l’amendement de dispositions. Elle n’entraîne pas la création d’une nouvelle république puisque la même constitution demeure, c’est juste qu’on y apporte des modifications.
C’est comme si vous aviez un livre dans lequel vous ajoutiez, supprimiez ou modifiiez des paragraphes. Le livre en soit demeure mais son contenu évolue avec le temps, au gré des modifications que vous y apportez.
Donc, dans le scénario d’une MODIFICATION de constitution, en principe, toutes les dispositions contenues dans la constitution sont susceptibles d’être revues, soit pour être précisées, altérées ou abrogées, à L’EXCEPTION de celles dites INTANGIBLES, c’est-à-dire, qui ne peuvent être révisées ou modifiées d’aucune manière, même pas par référendum !
C’est comme si vous décidiez que dans votre livre, tout peut y être changé sauf la date et votre signature. Vous décideriez alors de rendre la date et votre signature intangibles au regard des modifications pouvant être apportées au livre.
Parmi donc les dispositions dites intangibles de notre constitution actuelle, figurent le nombre et la durée du mandat présidentiel; 2 mandats au maximum et de 5 ans chacun. Ces règles ne peuvent en aucun cas être changées et d’aucune manière, fusse-t-elle par référendum. C’est pourquoi on dira que ces règles ou dispositions sont “verrouillées”.
6) De ce qui précède, vous comprendrez que le président Alpha Condé, qui est au terme de son 2ième mandat de 5 ans, devra partir, puisque la constitution existante, à laquelle il est assujetti le lui exige. Il n’y a pas de règle dans la constitution existante lui permettant de se maintenir au pouvoir au-delà de son 2ième mandat ET cette même constitution INTERDIT que ces règles soient modifiées ! Donc, il doit partir.
7) Cependant, son objectif est de rester, autrement, il aurait déjà mis fin au débat en cours.
Donc comment faire? Il doit faire disparaître la constitution actuelle (l’entièreté du livre) au profit d’une nouvelle, laquelle lui permettra de se représenter (sous une nouvelle république ainsi créée par cette nouvelle Constitution). C’est pourquoi il veut CHANGER la constitution existante pour la remplacer par une nouvelle, d’où la notion de CHANGEMENT constitutionnel par voie référendaire, faute pour lui d’avoir une majorité des 2/3 au parlement.
8) À également garder à l’esprit, est le fait que le fichier électoral existant ne soit pas représentatif du corps électoral guinéen, puisqu’il comporte plus de 3 millions de doublons, et 1.574.000 d’électeurs fictifs (inexistants, sans empreintes, non identifiables). À mentionner également, est l’absence des nouveaux votants en son sein, ceux-là qui, au cour les dernières années, se sont vu acquérir le droit de vote de par l’atteinte de l’âge de la majorité.
La mise à jour de ce fichier requiert un nouveau recensement de la population guinéenne nationale et de la diaspora. Or, vu les récentes déclarations de la CENI, là n’est pas leur priorité.
De ceci, force est de comprendre que toute consultation populaire, qu’elle soit référendaire ou électorale, sera à la faveur du pouvoir, et conséquemment, l’expression d’une parodie de démocratie !
C’est pourquoi, avant même de parler d’un projet de nouvelle constitution c’est dans cet ORDRE DE PRIORITÉ que les questions suivantes méritent d’être examinées:
a) Le fichier électoral est-il adéquat, représentatif du corps électoral ?
b) La transparence du processus de consultation populaire est-elle assurée par entre autre l’implication des Nations-Unies dans le processus du vote, du dépouillement des bulletins et des contestations s’il y a lieu car, n’oublions pas qu’à ce niveau, juridiction revient à la Cour Constitutionnelle de trancher (tribunal qui a vu à sa tête Kélèfa Sall être remplacé dans les conditions illégales);
c) Le projet de nouvelle Constitution en est-il un légal au vu de la Constitution déjà existante?
Ici, le gouvernement se doit d’expliquer les bases juridiques issues de l’actuelle constitution, sur lesquelles il s’appuie, pour soumettre à la population un projet de nouvelle république. Manquer de le faire tout en procédant de force à l’implantation d’une nouvelle constitution par voie référendaire ou autre, reviendrait à transgresser l’esprit et la lettre de la Constitution actuelle. Cette fraude à la loi est l’équivalent d’un putsch institutionnel, qui devra entraîner la destitution et la condamnation d’Alpha Condé et de ses complices pour haute trahison.
d) L’entreprise visant l’adoption d’une nouvelle constitution est-elle opportune, vu les tensions sociales qu’elle suscite d’une part, et les coûts exorbitants qu’elle engendre, d’autre part, considérant le taux de pauvreté et la misère extrême qui affligent les Guinéens ?
e) Y a-t-il impossibilité d’incorporer les dispositions de la nouvelle Constitution au sein de celle déjà existante par voie d’amendement? Et si oui, pourquoi ?
À défaut de répondre par l’affirmative à l’ensemble de ces questions ET DANS LEUR ORDRE DE PRIORITÉ, la population devra conclure que ce projet de nouvelle Constitution n’est, en somme, rien d’autre qu’un jeu de dupes. En conséquence, elle devra fermement S’OPPOSER À TOUT PROJET DE RÉFÉRENDUM. Il ne s’agira pas ici de permettre la libre expression des choix, MAIS D’EMPÊCHER L’EXPRESSION MÊME DE CE CHOIX!
Amminata Barry,
Canada